J22 – La depression des Acores
5 February 2007 | 19:02
En route au 85 a 6 noeuds
Les Acores, en general, on les associe a l’anticyclone bien connu dont on nous parle a chaque bulletin meteo. Sauf que quand on a l’idee saugrenue d’aller s’y promener en Janvier, on peut avoir droit a une surprise. Pour nous, c’est la depression des Acores. Oh, elle n’est pas bien grosse, ce n’est pas la specialite du coin : juste un petit trou a 1010 hPa dans une zone a 1020, rien a voir avec les premieres qui nous poussaient il y a deux semaines. Mais celle-ci est stationnaire et nous passons en plein dessous, donc on en profitte a fond. Et comme nous avons decale notre route un peu trop au nord, nous renouons avec les longues heures de pres / bon plein.
Ce week-end, les quarts etaient donc plus sportifs que d’habitude. A l’arriere, des vagues malicieuses viennent grignotter le cockpit. L’une leche la protection de la descente, l’autre vient donner un coup de dent dans la bouee fer a cheval. Je m’attache au plus court sur ma ligne de vie, pour que la prochaine ne m’emmene pas faire un tour dans les filieres. “Petite pluie abat grand vent”, aime a dire ma grand-mere. Pour l’instant, c’est au contraire de la grosse pluie qui accompagne les grains. Le vent monte encore d’un cran, le speedo flirte avec les 40 noeuds. La rafale fait siffler les filieres, tandis que la pluie s’abat, lissant les vagues en les couvrant d’un duvet d’eclaboussures. Le spectacle ne manque pas d’allure, mais on sera content de retrouver le calme. Meme au milieu de tout cela, on trouve encore de bonnes surprises. Ce soir, les dauphins sautent completement hors de la mer formee. Est-ce pour avaler moins d’embruns ? En tous cas ca permet de les observer a loisir. On en voit presque a chaque quart en ce moment, de jour comme de nuit.
Trois semaines de mer, ca fatigue aussi le bateau, et nous reserve quelques surprises lors de nos rondes d’inspection quotidiennes. Samedi, c’est la vis d’un chariot de latte qui manque a l’appel (NDLR: notre grand voile a des lattes forcees, qui font toute la largeur de la voile. Elles s’appuient sur le mat a l’aide d’un chariot qui coulisse dans un rail le long du mat, pour pouvoir hisser et affaler la voile). Nous trouvons donc une vis de remplacement, un ecrou et la clef plate adequate, et nous voici Jerome et moi au pied de mat pour reparer. Mais il est difficile de travailler dans ces conditions : Moi (sous la grand-voile, le vent plein les oreilles, voulant saisir la voile a deux mains pour bien presenter la latte): – Jerome, tu tiens la clef ? Jerome (au vent de la voile, sous les embruns): – Oui, oui, tiens-la moi ! La pauvre clef de 10, desesperee de se sentir aussi delaissee, fait un choix definitif. Apres trois rebonds sur le pont et un dernier tintement dans les filieres, elle disparait, engloutie par les flots.
Aujourd’hui, les conditions s’ameliorent doucement. Pas encore beaucoup de soleil mais le vent est retombe a 20 noeuds, on prend d’avantage de plaisir dehors. Les puffins sont eux aussi de plus en plus nombreux, et une mouette les accompagnait ce matin. C’est amusant de les voir ensemble, ils ne volent pas du tout de la meme maniere. Le premier glisse au creux des vagues, a l’aide de ses longues ailes fines de planneur, si pres de l’eau qu’il disparait souvent a notre vue, meme a quelques metres du bateau. La seconde garde plus de hauteur, ce qui l’oblige a donner quelques coup d’ailes de temps en temps, de ses belles ailles barrees d’un trait noir et blanc (de mouette tridactyle ?). Et elle n’hesite pas a se poser quelques instants au creux des vagues pour reprendre son souffle.
Gibraltar approche, on l’apercoit maintenant sur la meme carte que celle ou nous voyons notre position. A bientot,
Guillaume, pour l’equipage de Tchuda Popka
PS: derniere minute, on vient de croiser une belle tortue de mer !
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