J32 – Le Pogo c’est quand meme bien crevant !
15 February 2007 | 18:33
Au moteur a 5 nds au 47
Voila plus d’un mois que nous sommes en mer sur Tchuda Popka 2, certes en comptant deux escales de courte duree, et nous sommes tous bien fatigues. Nous n’en avons pas beaucoup parle dans ces mails quotidiens, mais nous ressentons tous apres ces quelques 4000 milles parcourus sur l’Atlantique et la Mediterrannee, une grande fatigue physique. Nous vous avons surtout relates nos grands moments, mais donne peu de details sur la vie a bord telle qu’elle est reellement. Et Tchuda Popka n’est qu’un cousin tres eloigne des palaces flottants que nous visitons tous au salon nautique chaque annee.
Je vous propose de reprendre rapidement les quelques semaines ecoulees. Pendant les 5 premiers jours, nous etions au pres en permanence dans l’Alize, un bon force 6 de haute mer, certes au chaud, mais aussi au mouilles en permanence : douches d’embruns a l’exterieur, sauna a l’interieur, le tout avec 15 / 20 degres de gite… On s’est vite amarines, mais on a aussi decouvert que physiquement, c’etait un beau challenge pour 4 equipiers certes sportifs, mais pas entraines a lutter jour et nuit contre la gite et a faire les efforts particuliers pour regler des voiles tres puissantes. On a ensuite passe 15 jours dans le train de depression des 30 degres de latitude nord, toujours sur le qui-vive, pour regler et ajuster la voilure, avec les differentes peripeties dont nous nous souvenons tous : grains memorables et eprouvants, physiquement et moralement. Au passage des Acores, nouvelle depression qui nous a contraint a naviguer pres de 72h au pres-bon-plein dans 30 noeuds de vent, tres dur physiquement a nouveau, avec les contraintes importantes sur la vie a bord qui vont avec la gite importante et le bateau qui tape dans les vagues… Gibraltar et son coup de Trafalgar ont aussi laisse de lourdes sequelles sur l’equipage, et nous sommes arrives a Ceuta, grand voile blessee et moral dans les chaussettes ! Heureusement, 30 heures plus tard, le moral etait de retour, et nous voila a nouveau en mer, avec une solution bien ficelee pour reparer la GV. A Torremolinos, grace au climat de la station balneaire la plus chaude d’Europe, nous avons bien pu y recuperer, tout en continuant a nous depenser physiquement pour remettre le bateau en etat de traverser la Mediterrannee. Et vous vous souvenez surement des recits des deux journees et nuits musclees que nous avons passees hier et il y a 3 jours, a nouveau extremement eprouvantes physiquement, avec moult manoeuvres, prises de ris et empannages dans du vent fort…
Detaillons aussi le deroulement d’une des 30 nuits que nous avons passees en mer. Habituellement, Guillaume prend le premier quart, vers 20h, juste apres le diner. Denis reste a moitie habille / endormi, pour etre pret a bondir si besoin, il prend son quart a 23h. Je lui succederai vers 2h du matin, et Guillaume reviendra sur le pont vers 6/7h. Quant a moi, j’ai souvent du mal a trouver le sommeil a ce moment, me demandant a quelle sauce nous allons bien nous faire manger cette nuit : je re-regarde la meteo, la nav, les milles parcourus et restant, le barometre qui se prend souvent un petit plongeon a ce moment la… Et tres souvent, vers 21h/22h, tout ce petit monde se retrouve sur le pont pour prendre un ris ou manoeuvrer… Retour a la banette, il faut arriver a retrouver son sac de couchage, se deshabiller (retirer harnais, veste et salopette de quart, bottes et chaussettes) d’une main (l’autre sert a se tenir pour ne pas tomber) et se glisser dans un espace qu’on a du mal a qualifier de couchette, tant il est bizarrement penche. Le tout en essayant de ne pas reveiller ceux qui dorment deja… Quelques heures plus tard, quelqu’un de tres mal intentionne vous reveille en disant : “Le vent monte encore, habille toi vite et vient m’aider a prendre le 3e ris…”. En fin de nuit, Guillaume me reprend le quart, vers 6 ou 7h du matin, mais la journee commence deja, et si on veut a la fois recuperer un peu de sommeil, envoyer un mail a Gwen avec notre nouvelle position pour pouvoir faire le point sur la suite dans la matinee, et avaler un petit dejeuner, il faut bien viser… Le tout avec de nouvelles manoeuvres que le petit pere Guillaume, bien repose, nous propose gentiment : “On est toujours avec 3 ris, et il n’y a plus que 15 nds de vent, on renvoie la toile et on prepare le gennaker ?”. Et hop, la petite sieste d’apres le quart y passe ! Pierre s’est joint a l’un de nous pendant la nuit, a tour de role, et c’est alors un quart different pour celui qui est en binome avec lui : plus reposant car il peut veiller et surveiller sans relache, et aussi plus facile pour manoeuvrer au besoin, car on n’a alors pas a reveiller l’un des dormeurs pour aller lacher un ris ou en prendre un supplementaire. Et hop, la matinee est deja bien avancee, et il faut penser au repas : d’abord faire la vaisselle de la veille “Passe moi un seau d’eau de mer” (derriere ca, il y a un serieux parcours du combattant pour aller le prendre ce seau d’eau de mer !), et epluchage (toujours a une main…) de quelques patates, cuisine gastronomique ou il faut sans cesse se cramponner et se retenir d’une main, tandis que l’autre tente difficilement de retenir la cocotte qui a decide de ne pas rester la gentiment… Bref, la moitie de l’energie du repas y passe deja dans sa preparation ! Mais les bolinos et autres lyophs, c’est pour la regate ou le tres gros temps !
A la lecture de ces quelques lignes, vous vous demanderez sans doute comment Gwen a reussi a faire tout ca tout seul : nous aussi on se le demande, et rien que d’y penser on est encore plus fatigues… en plus il a ete carrement plus vite que nous, en solo ! Gwen, tu as vraiment notre respect infini, et on aimerait bien faire un petit tour avec toi sur ton joli bateau, pour prendre une bonne lecon !
Ah, ce Tchuda Popka, il nous en a pris de l’energie ! Mais aussi, qu’est-ce qu’il nous a donne comme moments inoubliables, que je ne vais pas essayer de resumer ici : ils sont pour beaucoup racontes dans les nombreux mails que nous avons envoyes au jour le jour, et d’autres qui ne se racontent pas mais se vivent uniquement, mais tous graves au plus profond de chacun d’entre nous. Parmi ces moments forts, la lecture de vos encouragements (relayes par Adeline) a compte pour beaucoup, et a ete un reconfort quotidien.
Et ce n’est pas encore fini ! Il nous reste encore quelques 120 milles a parcourir avant de fouler le quai du Vieux Port de Marseille, si tout va bien demain en fin de journee, plus tot si le vent revient comme annonce par notre meteo. Et ces derniers milles, on en profite a fond, certains de ne pas revivre de si tot une telle aventure. Ce matin, apres une nuit encore tres eprouvante (rafales a plus de 40 nds), nous avons eu le plaisir de voir au loin les sommets enneiges des Pyrenees (“Quand on voit Pyrenees, on a de la neige plein les pieds, Quand on voit le Canigou, on a de la neige jusqu’au cou”), et de passer une nouvelle superbe journee tres ensoleillee et avec jusque ce qu’il nous fallait comme vent pour bien se reposer. Quoi de mieux pour feter l’anniversaire de Pierre ?
Bonne nuit a tous, et a demain pour notre dernier message envoye en mer (inch’allah) !
Jerome et tout l’equipage de Tchuda Popka 2
[Sent from: 41.76,3.417]